Dans un deuxième temps, nous avons logiquement voulu étudier la position de l'Europe par rapport au développement du bioéthanol, puisque la politique qui y est menée nous concerne directement,en tant que membre le l’Union Européenne.
a) Les directives
européennes
Tout d'abord, nous avons voulu réaliser un état
des lieux concernant la politique commune, et non sur celle de chaque
pays européen.
Notre première impression, à la vue des
chiffres notamment, est que le vieux continent présente un
retard certain en comparaison avec les programmes de grande ampleur
menés au Brésil comme nous l’avons vu,
et aux Etats-Unis.
En effet, seule la France a menée une politique
relativement suivie dans le domaine lors des vingt dernières
années.
D’une manière
générale donc, la politique européenne
antérieure aux années 2000 est pour ainsi dire
quasi inexistante.
Tout comme le Brésil après le contre-choc
pétrolier, l’Union Européenne a
optée pour la voie du mélange (incorporation
d'éthanol à l'essence). Mais les taux sont chez
nous beaucoup moins élevés que dans le pays
d’Amérique de Sud.
L’utilisation et la taxation des biocarburants
reposent aujourd’hui sur plusieurs textes communautaires, qui
autorisent l’incorporation dans l’essence
d’éthanol jusqu’à 5%, et
d’ETBE jusqu’ 15%, pour une vente
banalisée à la pompe.
Bien sûr, des taux plus
élevés sont parfaitement compatibles avec les
moteurs actuels, mais une information la pompe est alors
obligatoire.
Ces textes permettent aussi aux états membres de
choisir leur politique vis à vis du carburant.
Ainsi les pays sont confrontés à deux options :
- Exonération des taxes sur les biocarburants, ce
qui implique un coût moindre pour les
sociétés de carburant, et pour les consommateurs
à la pompe
- Sinon, l’Etat peut opter pour une obligation
d’incorporation qui, comme son nom l’indique,
oblige les compagnies à intégrer des pourcentages
de bioéthanol dans leur essence.
Certain pays ont optés pour un système
comprenant les deux options, comme le montre la carte ci-dessous.
La directive sur la promotion des biocarburants, crée en
2003 a fixé des objectifs croissants de consommation de
biocarburant dans le domaine des transports.
L’objectif a atteindre était que la consommation d
biocarburant représente 2% de la consommation totale de
carburants pour 2005 ; ces consommations devront ensuite, pour
l’horizon 2010, représenter au minimum 5.75% des
consommations globales d’essence et de diesel. Ces objectifs
étaient alors seulement indicatifs et non obligatoires.
Chaque Etat devra informer la Commission des mesures prises
pour les atteindre.
Cette directive aura cependant été
modifiée deux ans plus tard en 2005, obligeant à
partir cette date l’incorporation de biocarburants
dans l’essence.
Maintenant que nous avons vu quelle est la politique menée
globalement par l'Union Européenne, nous allons nous
intéresser à ce qu'il en est dans chaque Etat.
b) La
réalité du bioéthanol par Etat
En 2003, la production européenne
d’éthanol reste concentrée en France,
en Espagne, en Pologne, et dans une moindre mesure en Suède.
En Europe, d’une manière
générale, à l’exception de
la Suède, et contrairement à la situation des
Etats-Unis ou du Brésil, l’éthanol
était alors pas utilisé directement mais
transformé en ETBE, pour des problèmes de
volatilité de l’éthanol pur.
La France, longtemps leader de la filière en
Europe est aujourd’hui dépassé par
l’Espagne et la Pologne, comme le montre tableau ci-contre.
On note ainsi que l’Espagne se montre
l’acteur le plus dynamique du continent, et disposerait
d’une capacité de production énorme (de
l’ordre de 500 millions de litres), principalement issue de
blé et d’orge.
Autre élément qui nous interpelle : la
Suède consomme plus qu’elle ne produit.
L’essentiel de la différence entre la production
et la consommation est importé du Brésil ou
d’Espagne. Au jour d’aujourd’hui on
assiste au pays scandinave a une
quasi-généralisation de l’E5, depuis
début 2003 et au développement plus que
conséquent de l’E85. Le pays compte à
terme consommer environ 160 000 tonnes de bioéthanol (soit
1/5 de la consommation totale européenne actuelle).
On observe le même phénomène
d’importation au Royaume-Uni, qui fait venir la
totalité de sa consommation de
l’étranger, presque intégralement du
Brésil.
Enfin, l’Allemagne s’engage à
son tour sur la voie éthanol. Trois distilleries sont en
cours de construction ou ont même déjà
été inaugurées, ce qui devrait doter
les germaniques d’une capacité de production de
près de 500 000 tonnes par an, ce qui représente
la totalité de la production européenne en 2003.
En France, la politique d’incitation fiscale a
été pleinement suivie par l’Etat.
Ainsi, en 2005, les quotas donnant droit à une
défiscalisation partielle pour
l’éthanol s’élevaient
à 135 000 tonnes sous forme d’ETBE
mélangé a l ‘essence, et 72 000 tonnes
d’éthanol pur à utiliser en
mélange direct à de l’essence.
La consommation en 2005 s’est donc faite essentiellement sous
forme ETBE, dont les quotas ont presque été
atteints (114 000 tonnes).
En revanche, les volumes d’éthanol pur
bénéficiant de cette défiscalisation
n’ont pas été mis sur le
marché.
Les Pouvoirs publics cherchent donc à promouvoir
l’usage de l’éthanol au travers de
différentes actions, et notamment
l’année dernière, en 2006.
À cette époque, une expérimentation a
été menée à Rouen sur
l’usage de l’éthanol en
mélange avec des essences.
De plus, il y a eu une forte promotion de l’utilisation de
l’E85 avec la mise en place d’une flotte
expérimentale de véhicules flexfuel
utilisée pendant 12 mois par le Conseil
général de la Marne et à la vente de
ce nouveau carburant avec une fiscalisation adaptée.
Plusieurs centaines de stations-service devraient distribuer
ce nouveau carburant en 2007 en parallèle de la mise sur le
marché de véhicules dits flexfuel pour la
population civile par les constructeurs automobiles.
Bilan
On peut donc dire que l’Europe malgré son retard
conséquent, est en train en ce moment de tenter de se
rattraper.
Cependant, les objectifs fixés par
l’Union Européenne n’ont pas
été atteints. Par rapport à un taux
initialement prévu de 2% soit 5.8 Mtep de biocarburants
produits pour l’année 2005, le taux actuel se
situe aux alentours de 1.2%.
L’objectif pour 2010 d’atteindre 5.75%
d’incorporation reste cependant fixé ; pour
l’atteindre, l4europe devra consommer 16.6 Mtep de
biocarburants à cet horizon. Mais ici s’est
posé un sérieux problème ; en effet,
nous avons établi qu’une telle production de
biocarburants nécessitera environ 82 000 tonnes de produits
agricoles, soit une surface d’environ 14Mha.
Et un grave problème se pose lorsque l’on sait que
la totalité des surfaces de jachère en Europe
(8.2Mha) est insuffisante pour accueillir une telle culture.
Dès lors, il apparaît que
d’autres terres que les seules jachères devront
être mobilisées pour atteindre les objectifs
d’incorporation de biocarburants pour l’horizon
2010.
À moyen terme, les solutions envisageables sont les
suivantes :
-L’utilisation du surplus agricoles, comme cela est
déjà le cas avec les surplus de vin
transformés en éthanol. La capacité de
ces surfaces s’élève à 8.2
Mha, ce qui ne suffit donc pas à atteindre le taux
prévu pour 2010.
-L’autre solution serait le recours à
l’importation massive, notamment du Brésil ;
solution qui semble incontournable.
L’ampleur de ces importations dépendra de la
mobilisation possible des autres surfaces (jachères et
surplus).
Mais dans tous les cas, l’Europe se retrouve, avec le recours
à l’importation, amputée d’un
argument de taille dans la mise sur le marché du
bioéthanol.
En effet, l’Europe perdrait ainsi
l’indépendance énergétique
qu’elle pensait avoir gagné en optant pour les
biocarburants.